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Le bâtiment

Le 1er mars 1899, 30000 marks sont affectés sur un vote du Reichstag à la création d'une station sismologique à Strasbourg. Alfred Jaehnike, inspecteur impérial des travaux publics, va prendre en main la construction du bâtiment d'après des plans établis par le directeur de l'institut géographique, Georg Gerland.

Pourquoi Strasbourg ?

Il n'y a pas de réponse simple pour justifier pourquoi la ville de Strasbourg a été choisie. Ce n'est sûrement pas seulement à cause de la relativement forte sismicité du graben du Rhin, côté Vosges et vers Bâle : la station est construite pour y installer des instruments capables d'enregistrer des séismes lointains. En revanche, il est clair que depuis la victoire de 1870, Rebeur-PachswitzGuillaume II essaie de faire de Strasbourg une vitrine de l'Allemagne. C'est une volonté politique et de grosses sommes sont investies pour la construction de l'université et son fonctionnement. D'où, bien sûr, un dynamisme intellectuel et scientifique lié à la venue des meilleurs chercheurs allemands.
La Sismologie est une science naissante, le directeur de l'Institut Géographique de Strasbourg, Georg Gerland va s'y intéresser et pousser le projet. L'expérience déjà acquise à Strasbourg grâce à l'installation en 1892 des instruments développés par  Ernst von Rebeur-Paschwitz et à la présence du sismologue Reinhold Ehlert depuis 1891 est un de ses arguments. Il cite également l'intérêt d'avoir à Strasbourg une entreprise spécialisée dans l'instrumentation de précision : l'entreprise Bosch, capable de mettre au point d'autres sismographes.
C'est donc plutôt l'activisme d'un scientifique, dans une période favorable qui a fait de Strasbourg, un des berceaux importants de la Sismologie.

sismomètreDans l'entrée du Musée de Sismologie, un sismomètre Sprengnether est posé simplement sur le sol. Que va enregistrer ce sismomètre ? Les mouvements du sol créés par les visiteurs du musée, les pas des promeneurs du jardin de l'Université, le tram qui ne passe pas très loin, les voitures, et sans doute aussi les mouvements du sol créés par les arbres les jours de grand vent ... Aucune chance pour que dans tout ce « bruit », on puisse distinguer les mouvements générés par un séisme.

En effet, un sismomètre est construit pour enregistrer les mouvements du sol générés par un séisme. Mais il enregistre en réalité tous les mouvements du sol dans une gamme de périodes et d'amplitudes donnée. Pour enregistrer correctement les séismes, il faut donc « isoler » au mieux le sismomètre des mouvements autres, qu'on appelle généralement le « bruit ». Un sismomètre est un système mécanique qui a besoin d'une stabilité thermique et hygrométrique pour fonctionner correctement.
Il y a donc certaines conditions à respecter pour construire un bâtiment qui héberge des sismomètres.

Les conditions pour un bâtiment adapté

On retrouve dans un texte de Jaehnike ce qui pour lui étaient les quatre conditions :

texte de Jaenike

  • les mouvements accidentels de la Terre provoqués par des tempêtes ou des voitures doivent être exclus
  • la lumière doit être exclue
  • les mouvements de l'air dans l'intérieur du bâtiment doivent être exclus
  • la température et l'humidité atmosphérique doivent être constantes.

Traduit de « Beiträge zur Geophysik », 4, 1900.

Construction de la station

La station a été construite en deux temps : une partie basse pour les sismomètres puis une partie de conception classique pour les chercheurs. La station fut prête à fonctionner en octobre 1900 sous le nom de « Kaiserliche Haupstation für Erdbebenforschung ».
Différentes mesures ont ainsi été prises pour limiter le « bruit » :

  • le bâtiment a été construit dans les jardins de l’université ; les « rue de l’université » et « rue Goethe » étaient interdites aux camions
  • la partie qui accueillait les instruments, qu'on appelle le bâtiment intérieur, a été entourée d'un deuxième bâtiment de protection, le bâtiment extérieur, lui-même constitué de deux enceintes qui ne touchent pas le bâtiment intérieur
  • des piliers de profondeur 2,30m ont été prévus dès le départ. D'autres ont été ajoutés ensuite. Ces piliers ne touchent pas le plancher du bâtiment intérieur et sont donc isolés des mouvements du bâtiment lui-même ou des mouvements des sismologues autour du pilier. Ils servent de support aux instruments
  • pour une stabilité thermique et hygrométrique, le bâtiment est en partie enterré à 2,50m environ de la nappe phréatique. On profite ainsi de la température constante de l'eau souterraine pour tenir constante la température du bâtiment. Le toit du bâtiment extérieur est recouvert de terre dans un but d'isolation. Enfin, un système de ventilation sophistiqué constitué de vingt cheminées dans le toit extérieur, permet à l'air frais d’entrer dans le couloir entre les deux enceintes extérieures et des jalousies règlent la circulation d'air jusqu'au bâtiment intérieur.

Le bâtiment terminé a une allure modeste, il est fait de briques, comparé aux instituts prestigieux qui l'entourent mais il semble qu'en 1900 comme plus tard d'ailleurs, personne n'ait trouvé fort laide sa présence dans l'enceinte des jardins.

photo d'époque du bâtiment