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Les premières mesures du champ magnétique

La recherche de routes maritimes nouvelles, de terres inconnues par les grands navigateurs et explorateurs polaires a été très tôt accompagnés de mesures du champ magnétique terrestre. La nécessité d’effectuer systématiquement des observations magnétiques au cours des expéditions conduites dans le grand Nord et en Antarctique s’est rapidement imposée et la localisation des pôles magnétiques est devenue une des priorités du XIXème siècle. Les connaissances théoriques acquises sur le champ magnétique, avec les travaux publiés par Karl Friedrich Gauss en 1838, sont alors à l’origine d’un engouement sans précédent pour cette discipline.

Mais le modèle mathématique proposé par Gauss est le résultat de près de 700 ans de mesures.

De l'antiquité au 17ème siècle

Les propriétés particulières d’attraction et de répulsion des roches à forte teneur en magnétite ont été découvertes dès l’Antiquité par les Grecs puis les Chinois. La boussole apparaît en Chine au premier siècle de notre ère et représente probablement le premier instrument scientifique réalisé par l’homme. Les premières observations de la déclinaison magnétique ont été faites en Chine, quelques siècles plus tard. En Europe, la boussole est introduite au XIIème siècle par les Arabes et sa première utilisation pour la navigation se situe vers 1190. Pierre Pèlerin de Maricourt (Petrus Peregrinus) découvre en 1269 la nature dipolaire de l’aimant. Georg Hartmann réalise les premières observations de la déclinaison en 1510 et découvre l’inclinaison magnétique en 1544. Ces observations conduisent William Gilbert, médecin de la reine Elisabeth I d’Angleterre, à assimiler la Terre à un grand aimant. Dans son traité De Magnete, publié en 1600, il montre qu’il existe deux points à la surface de la Terre où une aiguille aimantée, librement suspendue, s’incline à la verticale et introduit la notion de pôles magnétiques. Gilbert admettait alors que les pôles magnétiques nord et sud, ainsi définis, coïncidaient avec les pôles géographiques. En fait, les observations effectuées par la suite ont montré que ce champ magnétique associé à la Terre variait dans le temps et dans l’espace.

Les premières cartes de déclinaison et d'inclinaison

Ainsi, des mesures de déclinaison faites à Londres à différentes époques ont confirmé ce résultat dès 1634. L’utilisation systématique de la boussole pour la navigation et les nombreuses mesures magnétiques faites à terre et en mer ont permis à Edmund Halley de publier en 1702 la première carte globale de la déclinaison (D) et à Johan Carl Wilcke en 1768 la première carte globale de l’inclinaison (I). La première carte de l’intensité du champ magnétique terrestre (F) fut publiée en 1825 par Christopher Hansteen. En fait, l’augmentation de l’intensité du champ magnétique terrestre avec la latitude avait été établie dès la fin du XVIIIème siècle par De Rossel lors de l’expédition d’Entrecasteaux (1791-1794), à bord de la Recherche et de l’Espérance, et peut-être déjà par Robert de Paul, chevalier de Lamanon, lors de l’expédition malheureuse de La Pérouse (1785-1788), à bord de la Boussole et de l’Astrolabe. Il reste qu’à cette époque, on ignore tout sur l’origine du champ magnétique terrestre.

Gauss et le premier modèle mathématique

La première représentation du champ magnétique terrestre sous forme mathématique fut proposée par Karl Friedrich Gauss en 1838. Son modèle, calculé à partir des valeurs de déclinaison, d’inclinaison et d’intensité extraites des cartes magnétiques alors disponibles, est remarquablement performant et proche des modèles actuels. Le modèle de Gauss confirme la nature dipolaire et géocentrique du champ magnétique terrestre qui, en première approximation, peut être assimilé à celui d’un aimant placé au centre de la Terre suivant une direction faisant un angle de 11°30’ avec l’axe de rotation de la Terre. Le modèle montre également que la partie principale du champ, soit plus de 90%, provient de sources situées à l’intérieur du globe terrestre. À ce champ simplifié correspondent deux pôles géomagnétiques diamétralement opposés, distincts des pôles géographiques et magnétiques. Les coordonnées géographiques de ces pôles sont fixées par le modèle (78°30’N et 291°E pour le pôle géomagnétique Nord et 78°30’S et 111°E pour le pôle géomagnétique Sud) qui cependant ne permet pas de connaître la position des pôles magnétiques vrais Nord et Sud, c’est-à-dire les coordonnées des points pour lesquels l’inclinaison est verticale et la déclinaison indéterminée.

 

Texte adapté des recherches et écrits de Roland Schlich