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Le séisme de Bâle (1356)

Le 18 Octobre 1356, un séisme détruisit la ville de Bâle et fit de gros dégâts sur un vaste domaine, notamment en Alsace. Ce séisme a marqué les esprits et est le séisme européen, avec celui de Lisbonne en 1755, qui aura frappé le plus les imaginations, surtout à cause de son contexte. En effet, un séisme assez destructeur s'est déjà produit dans les environs de Bâle en 1348 et a été violemment ressenti dans la ville. Mais surtout la peste dite "peste noire" frappe le pays depuis 1348 et a emporté un quart de la population de Bâle. On se situe enfin au beau milieu de la terrible guerre de 100 ans qui ravage l'Europe. Et c'est à ce moment que se produit le fameux séisme "de la Saint-Luc" qui restera la plus importante tragédie de l'histoire de la ville.

Des historiens et des sismologues ont tenté de retrouver des traces de cet événement. Il existe de nombreux récits de la catastrophe mais ils ont souvent été écrits un ou deux siècles après le séisme et ne représentent que peu d'intérêt pour les scientifiques qui ont besoin de faits précis et vérifiés et non de racontards et autres légendes.

Il a été établi de façon formelle qu'il n'y a pas eu une seule secousse mais que la région a vécu une véritable crise sismique qui durera jusqu'au début de l'année 1357. Des sismologues ont montré qu'il y avait eu pas moins de 12 secousses en l'espace de 48 heures le 18 et le 19 Octobre 1356. Deux d'entre elles furent dévastatrices et furent ressenties jusqu'en France.

L'évaluation des dégâts causés par ces secousses est basée sur deux livres: Le Livre Rouge de Bâle (Das Rothe Buch von Basel) et Alphabetum Narrationum de K. von Waltenkofen qui sont deux livres écrits en 1356 ou 1357 donc peu de temps après le séisme.

L'Alphabetum Narrationum décrit les événements ainsi (texte traduit du latin):

"En l'an de grâce 1356, le jour de la Saint-Luc, avant vêpres, il y eut à Bâle et dans ses environs jusqu'à une distance de deux milles un tremblement de terre qui provoqua la chute de nombreux bâtiments, églises et châteaux et la mort de nombreuses personnes. Les secousses se poursuivent dans la même journée et la nuit suivante avec une violence telle que les habitants fuirent la ville, s'installèrent dans les champs, dans les cabanes et les fermes pour de nombreux jours. Même les soeurs cloîtrées se rendirent dans un jardin appelé Vögelisgarten et restèrent là de nombreux jours, sous des cabanes avec de nombreuses autres personnes des deux sexes et, une fois retournées chez elles, vécurent encore longtemps dans la grange avant de réintégrer leur cloître. Au cours de cette même nuit, vers une heure, se déclara un incendie qui dura plusieurs jours et consuma presque toute la ville à l'intérieur des remparts. Les faubourgs furent épargnés. Le feu, propagé jusqu'à la cathédrale, fit s'embraser le clocher dans lequel se trouvait la grosse cloche et la détruisit, ainsi que les précieuses orgues, de cette maison de Dieu. Les tremblements de terre avaient été si violents que pas un seul bâtiment, notamment ceux construits en pierre, n'échappa à une destruction partielle ou totale. Là-dessus survint une troisième calamité: le lit de la Birs fut obstrué par les bâtiments détruits et l'eau s'infiltra dans les caves où la population avait stocké ses provisions et les gâta. Parmi les premières secousses, certaines avaient été si fortes que les cloches avaient sonné. Ainsi entendit-on sonner trois fois la cloche du cloître des frères prêcheurs sans que quiconque la remue ni ne la tire. Pendant une année, presque chaque mois, la terre trembla. On peut voir qu'est arrivé ce que le Seigneur disait dans l'évangile de Saint-Luc [21-11]: un peuple supplantera un autre peuple, un royaume un autre royaume et il y aura çà et là de grands tremblements de terre". 

On utilise aussi la chronique latine de F. Faber écrite en 1488 dans laquelle l'auteur tente de reconstituer le déroulement des événements de Bâle.

Il raconte les événements ainsi:

"L'an 1356, le jour de Saint-Luc Evangéliste, il y eut un tremblement de terre dans toute l'Allemagne et la terre fut secouée non pas une fois mais plusieurs fois pendant trois mois. Ce jour là [le 18 Octobre], avant le soir, il y eut trois secousses et une quatrième plus importante avant la tombée de la nuit. La nuit suivante, de l'heure du coucher jusqu'à minuit, la terre trembla six fois, et la première fois si violemment que beaucoup de bâtiments s'écroulèrent. Le jour suivant [le 19 Octobre], il y eut deux secousses et d'autres ensuite..." 

Les dégâts causés sont aussi décrits: 

"Dans un premier temps, les premiers tremblements de terre firent s'écrouler une partie de la ville. Une partie de l'église-cathédrale tomba sur les écoles, une autre dans le Rhin. Beaucoup de gens furent ensevelis; les autres fuirent à la campagne". 

Peu après, un incendie se déclara au Monastère de Saint-Alban alors que la plupart des habitants avaient déjà fuit la ville. Puis survint le second choc destructeur: 
"A la nuit tombée, il y eut une énorme commotion ["praegrandis terraemotus"] et plusieurs personnes furent écrasées comme lors de la première secousse. Elle jeta à bas les maisons et les tours qui restaient, toutes les églises s'écroulèrent et leurs voutes tombèrent à l'exception des églises Saint-Jean et des Frères Prêcheurs qui, cependant, montrèrent de nombreuses lézardes..." 

Les destructions s'étendirent selon les auteurs entre 15 et 30 kilomètres autour de Bâle. De nombreux châteaux furent entièrement détruits. Au cours des siècles les dégâts furent de plus en plus minorés. Ainsi dans le Livre Rouge on signale que tous les châteaux et églises situés dans un rayon de 4 milles (30 km environ) autour de Bâle furent détruits, en 1368 Pétrarque signale que seulement 80 châteaux le sont, puis on en signale que 60 (Closener). En 1378 il n'y en a plus que 40 (Albert de Strasbourg) et en 1809 on ne recense que 34 châteaux détruits (Cantor). Ceci est sûrement du au fait que de nombreux châteaux furent remis en état dans les siècles suivant la catastrophe.
Il est donc très difficile de se faire une idée de l'étendue des dégâts même si le chiffre de 80 châteaux détruits est retenu maintenant.

Il existe de même une polémique autour du nombre de victimes. On parle d'abord de 100 morts puis de 1000 ou de 2000. La chronique de Bâle rédigée vers 1400 signale au moins 300 morts rien que pour la ville de Bâle. On admet aujourd'hui qu'il y a sans doute eu environ 300 morts à Bâle même et 1000 à 2000 morts dans l'ensemble de la région.

Ce séisme a été ressenti très loin de Bâle. On a ainsi senti les secousses à Berne, Zurich, Lucerne et jusqu'à Constance en Allemagne. En France, l'Alsace, la Lorraine, la Franche-Comté, la Bourgogne, la Champagne et l'Ile-de France furent plus ou moins touchées.

Ainsi pour Strasbourg, Closener (1362) écrit:

"En 1356, le jour de la Saint-Luc, il arriva sur le soir un tremblement de terre assez sensible suivi de quelques autres avant la nuit qui le furent moins. Vers dix heures du soir, survint une commotion très violente: elle jeta à bas des maisons de nombreuses mitres des cheminées ainsi que des faîtières, et à la cathédrale, elle renversa les ciboires et les ornements".

A Dijon on signale quelques chutes de tuiles ou d'ardoises:

"Pour oeuvres de couvertures faites par Jehan Girard sur les toits des hostels de Monseignour le Duc à Dijon en l'an MCCCLV1 [1356] pour cause dou tramble de la terre".

A Reims et à Paris où on aurait aussi ressenti "la commotion" :

"...terraemotus sentitus fuit Remis et etiem Parisiis".

A Metz, Philippe de Vigneulles rapporte que:

"le jour de la Saint-Luc en hyveir, fut le tremblement en Mets, tel et si grant que tout crolloit en plusieurs lieux par la cité et sembloit que les maisons deussent cheoir, et heurtoient les tuppins [les vases, les pots] des maisons et cuisines où ilz estoient pendans l'ung près de l'autre ensemble, dont plusieurs gens avoient peur; et n'estoit mie de merveille car ilz n'avoient jamais eu tel temps, et crolla [trembla] la terre plusieurs fois".

A Besançon, un témoin anonyme écrit: 

"L'an mil trois cens cinquante six, il fit groz tremblement de terre à Basle...Aussi fist-il en Bourgogne de fasson que la plus grosse tour du chastel de Montron [Montrond-le-Chateau] cheut bas. Et fust ce le jour de la Sainct-Luc environ l'heure du disner. Aussi sembloit-il proprement que les aysemens des rateliers [ustensiles sur les étagères] se batissent l'ung l'autre; enfin toutesfois cela s'appaisa, mais sur l'heure de coucher il recommença pis que devant de manière que le pauvre peuple comme tout esperdu s'en fuyoit hors des maisons. La tour de Vaitte de Besançon en plusieurs endroictz en fut toute rompue et tempestée".

L'épicentre de ce séisme a ainsi pu être localisé grâce à ces témoignages à une quinzaine de kilomètres de la frontière française. L'intensité macrosismique aurait été de X autour de Bâle, IX à Mulhouse, VII à Strasbourg et de IV à Reims et Paris. On pense aujourd'hui qu'il y a eu deux secousses très proches. Jusqu'à présent, les intensités étaient déterminées en supposant qu'il n'y avait eu qu'une seule secousse et il est donc difficile d'évaluer les intensités respectives dues à chacune de ces deux secousses.